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 Thérapies-Narratives.ch

blog suisse romand d'information sur les thérapies narratives et postmodernes

le constructionisme social et le parradigme narratif

Il semble évident que notre monde social est constitué d’individus distincts les uns des autres et dotés de la capacité de prendre des décisions conscientes.

C’est grâce à cette «  évidence » que nous avons construit la démocratie qui confère le droit de vote à tout citoyen adulte, qui permet à la justice de tenir les individus pour responsables de leurs actes, qui permet aux écoles d’évaluer le travail de chaque élèves, qui permet aux entreprises de mesurer la performance de chaque employé.

C’est pour toutes ces raisons que notre culture occidentale est qualifiée d’individualiste.

 

Les travaux de Berger et Luckmann ont constitué la base sur laquelle c’est construit le constructionisme social développé en particulier par Kenneth Gergen.

 

C’est en 1966 que Peter. L. Berger et Thomas. Luckmann, publient : « la construction sociale de la réalité »

Berger et Luckmann sont sociologues, ils se posent la question suivante : le monde social dans lequel nous vivons est le produit de l’activité humaine ; pourtant nous tendons à le percevoir comme évident, allant de soi. Comment cela est il possible ?

 

C’est à partir de l’étude du monde de la vie quotidienne que Berger et Luckmann vont tenter de trouver des réponses. En effet, le monde de la vie quotidienne est perçu par chacun comme certain (je peux difficilement douter de sa réalité), il est perçu comme sensé (je comprends ce qui s’y passe), et il est perçu comme intersubjectif (je le partage avec d’autre)

Pour les auteurs, la connaissance de ce monde se base sur des schémas de pensée : les « typifications » qui permettent de prévoir les comportements dans un contexte donné : « déshabillez-vous » chez le médecin ne correspond pas à la même typification que « déshabillez-vous »chez le dentiste, qui pourtant lui aussi est docteur.

Le langage est le principal moyen de partager et de transmettre ces typifications.

L’activité humaine est encore marquée pour Berger et Luckmann par la «  routinisation »

La routinisation permet de perpétuer et de spécialiser certains types de comportements (on ne réinvente pas tous les jours les rôles parentaux, ni la manière de rendre la justice)

Le processus de routinisation aboutit à « l’institutionnalisation » entendu comme une typification réciproque d’actions habituelles.

« Si les individus qui ont créé une institution y voient encore la trace de leur activités, les générations suivantes la perçoivent comme inhérente à la nature des choses. »

 

Ce monde social ainsi objectivé est doté de sens par le langage, à travers la nomination, les proverbes et les croyances collectives, et les univers symboliques qui fournissent des explications générales du monde.

 

La socialisation primaire est réussie quant l’enfant généralise les attentes des ses proches

« Maman veut que je sois présentable pour sortir »

« On doit être présentable pour sortir »

 

 

 

 

Les travaux de Berger et Luckmann ont constitué la base sur laquelle le constructionisme social avec en particulier Kenneth Gergen s’est développé

 

Pour le constructionisme social :.

 

 « Tout ce que nous considérons comme réel est construit socialement ou plus directement rien n’est réel avant que les hommes ne s’accordent à dire qu’il en est ainsi » K et M Gergen 2004

 

Ceci ne veut pas dire que rien n’existe, mais plutôt que lorsque quelqu’un définit ce qu’est la « réalité » il parle à partir d’une certaine tradition culturelle. Certainement qu’un évènement s’est produit pour lui, mais pour le décrire, il lui est demandé de le représenter à partir d’un certain point de vue culturel.

Ainsi lorsque nous communiquons, nous construisons le monde dans lequel nous vivons.

Pour communiquer nous avons à disposition plusieurs mode dont les diverses formes d’expression artistique, et nous avons aussi le langage verbale qui constitue une des formes les plus importantes de communications.

Nous avons adopté le point de vue de Bakhtine : « parler c’est communiquer, et communiquer, c’est interagir. »

Avec lui nous inversons l’ordre des déterminations en soulignant que « ce n’est pas l’activité mentale qui organise l’expression, mais au contraire c’est l’expression qui organise l’activité mentale, qui la modèle et détermine son orientation » (1977 :122-123).

De cette prise de position Bakhtine déduira que « le centre nerveux de toute énonciation, de toute expression, n’est pas intérieur mais extérieur : il est situé dans le milieu social qui entoure l’individu » (1977 :134). Ceci signifie, d’une autre manière, que l’expression n’est pas à appréhender comme un acte individuel, mais une activité sociale co- déterminée par tout un ensemble de relations dialogiques.

En effet, pour Bakhtine « le dialogue, au sens étroit du terme, ne constitue, bien entendue, qu’une des formes, des plus importantes il est vrai, de l’interaction verbale. Mais on peut comprendre le mot « dialogue » dans un sens élargi, c'est-à-dire non  seulement comme échange à haute voix et impliquant des individus placés face à face, mais tout échange verbal, de quelque type qu’il soit. Toute énonciation, quelque signifiante et complète qu’elle soit par elle-même, ne constitue qu’une fraction d’un courant de communication verbale interrompu » (Bakhtine1977 :136)

De là il ressort que tout monologue, est un dialogue en son principe dans la mesure où il est déterminé par un ensemble de productions antérieures. Il se présente nécessairement comme une parole adressée, répond à des attentes, implique des efforts d’adaptation et peut s’intégrer dans le circuit du dire et du commentaire.

La psychothérapie en tant qu’elle est formellement un dialogue entre deux ou plus de personnes, est concernée au premier degré par ces réflexions théoriques sur le dialogue.

La psychothérapie centrée sur la relation l’est d’une part parce qu’elle se préoccupe de ce qui est avant l’énonciation, les implicites du récit, mais elle est aussi centrée sur la relation dans la mesure où lorsque je parle avec quelqu’un, la parole que je prononce cesse de m’exprimer moi seul, ainsi la pensée d’autrui devient constitutive de la mienne. Ce que je vais dire dépend pour beaucoup de mon interlocuteur…je parle en fonction de mon interlocuteur.

 

C’est en parlant avec l’autre que je pourrai faire ici ou là état de ma différence ou mieux, que des différences, dues à nos mémoires respectives, vont être élaborées. Ainsi la relation permet aux individus de se reconnaitre mutuellement une identité personnelle. En ce sens être une personne c’est être apte à la communication.

Le concept de dialogisme décrit quant à lui le fonctionnement logique de cette relation interlocutive.

 

 

Le dialogisme est la structure interne de tout discours fonctionnant comme une seule voix même si pour les interlocuteurs leurs présupposés, leurs acceptions des mots sont différents, ils sont pourvu d’un contexte ou d’un code suffisamment commun produit par la mise en relation.les interlocuteurs forment alors une dyade, un système auto-organisé ou aucun n’est l’auteur exclusif du sens .il y a des degrés de dialogisme car la relation de réciprocité interpersonnelle  est toujours mêlée à une situation d’appartenance sociale. Tout dépend du contrat de communication, les interlocuteurs sont ils engagés dans un débat, un dialogue, une négociation, une dispute….

Bakhtine quant à lui part du constat qu’autrui est indispensable à l’achèvement de la conscience :

Je ne peux me percevoir moi-même dans mon aspect extérieur, sentir qu’il m’englobe et m’exprime…en ce sens on peut parler du besoin esthétique absolu que l’homme à d’autrui qui consiste à voir, retenir, rassembler, et unifier, et qui seule peut créer la personnalité extérieurement finie ; si autrui ne la créer pas cette personnalité n’existe pas.

                                                                                                 Todorov 1982, 147

 

De là Bakhtine conclut que l’être humain est tout entier communication avec autrui. Etre signifie être pour autrui et à travers lui.

Cette réflexion rejoint une des thèses de Jacques Lacan : le state du miroir est pour Lacan ce moment spécifique de la vie du jeune enfant ou il jubile en voyant son image dans le miroir. Selon Lacan la cause de cette jubilation tient au plaisir qu’à l’enfant de contempler une image anticipée de son unicité. L’expérience ne prend tout son sens en ce que l’enfant n’est pas seul devant le miroir, il est porté par l’un de ses parents qui lui désigne sa propre image. Ainsi la preuve de son unicité lui vient du regard d’un autre, ou plus précisément des mots d’un autre.

 

Aux yeux de Bakhtine la langue reflète parfaitement cette aliénation constitutive. En effet, nous  ne forgeons pas une langue pour les besoins de notre subjectivité individuelle. Nous héritons la langue d’autrui et les mots y restent marqués des usages d’autrui.

 

Cette conception de l’être comme être de dialogue fait passer le prima de l’individu vers celui de la relation. Considérer que le monde est constitué d’individus distincts les uns des autres et pourvu de la capacité de prendre des décisions est à la base de l’idée de démocratie qui confère le droit de vote à tout citoyen adulte , qui permet à la justice de tenir les individus responsable de leurs actes, aux écoles d’évaluer le travail de chaque élève…K et M Gergen expliquent que c’est pour toutes ces raisons que notre culture occidentale est qualifiée d’individualiste. Le contructionisme social tel qu’ils le proposent remet en question cette conception du monde.

Ils admettent que l’individualisme permet à de nombreuse personne de considérer la vie ensemble parce qu’elles peuvent s’y sentir aimée, honorées ou mise en valeur pour leurs propres mérites.ils rendent aussi attentif  au fait que l’individualisme peut conduire à considérer le monde social comme fait d’individus isolés et méfiants les uns envers les autres. Le souci de soi- même étant la dimension de référence autour de laquelle se construisent nos vies, la peur d’être méprisé nous habite et nous nous efforçons sans cesse d’être meilleurs que les autres.

Les relations y sont à l’extrême considérées comme un manque d’autonomie qui d’un point de vue littérale signifie se nommer soi même. Ainsi l’idéal d’un monde individualiste, en tant qu’il est l’autonomie, ressemble  fort à l’aliénation en tant qu’absence de lien, absence de relation.

Pour K et M Gergen envisager une perspective relationnelle nous fait reconsidérer la vie avec les autres. Ce que nous avons défini jusqu’ici comme des processus mentaux  deviennent des processus relationnels et le Soi relationnel nait alors de nos relations avec autrui. Cette conception du monde à des conséquences importantes pour la pratique de la psychothérapie ; c’est ce que nous allons explorer maintenant.

Envisager le monde à partir des relations ne permet pas de faire l’économie de savoir qu’est ce qui est en relation puisque la vision dialogique de l’être et le constructionisme social remettent en question le concept d’individu .Nous préfèrerons le terme de personne : une personne est celui ou celle qui est devenue lui-même ou elle-même précisément à travers les autres, ce qui implique interdépendance, solidarité et responsabilité. La personne est un concept qui se prête mieux à l’idée de la pluri vocalité et à l’idée que nous soyons un ensemble de personnage différent tout en étant la même personne. Il n’y à pas d’unicité fermée dans l’idée de la personne comme il y en a dans le concept d’individu. La personne est divisible dans la pluralité des relations ; le cœur d’une mère peut se diviser en autant d’enfant à aimer.

 

 

                                                                             Rodolphe Soulignac    

 

 

 

 

 

 

 

 

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