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 Thérapies-Narratives.ch

blog suisse romand d'information sur les thérapies narratives et postmodernes

Qu’est ce que la postmodernité

Qu'est ce que la postmodernité?



Le postmodernisme comme réflexion sur la validité des connaissances et des pratiques questionne depuis une trentaine d’années un grand nombre de disciplines : l’architecture , la philosophie ,la littérature en sont quelques unes .La psychothérapie depuis la fin des années 1980 fait partie des champs de pratique re-interrogé par le postmodernisme.

Le postmodernisme est une notion complexe, un ensemble d’idées qui  a émergé et s’est constitué en champs de connaissances dans la deuxième moitié du vingtième siècle.

Le mot postmodernisme n’est entré dans le vocabulaire courant en France qu’après la parution de la condition postmoderne  (Paris ,1979) de Jean François Lyotard mais le concept de postmodernité serai habituellement attribué à Charles Jenks(1) architecte anglais.

 

Jenks a appelé double coding (in the language of post-modern architecture, London, 1977) l’amalgame de traits hétérogènes, selon lui le «  postmodernisme est le résultat de l’hybridation du modernisme et d’un autre code (baroque, romantique,…) Le postmodernisme correspondrait alors à l’intersection pleine de deux ou plusieurs codes extrinsèques. » Jenks proclame que « l’architecture moderne est morte à Saint Louis, Missouri, le 15 juillet 1972 à 15h32 » date du dynamitage de buildings fonctionnalistes décrétés inhabitables. Cet épisode symbolise la fin des modèles modernistes à vaste échelle en architecture incarnés en particulier par Le Corbusier ou le Bauhaus.

 

 

 

Le Bauhaus est un institut d’art fondé en 1919 à Weimar en Allemagne. Ce mouvement proposera les bases de la réflexion sur l’architecture moderne et notamment le style internationale .En 1933 le Bauhaus fermera ses portes sous la contrainte des nazis en lien avec le passé communiste de l’institut .Le Bauhaus veut instaurer un nouvel ordre ou le monde serait différent de celui proposé par le modèle bourgeois de l’époque: l’avant-garde se veut révolutionnaire, elle a une très grande confiance dans le progrès, les sciences et les techniques grâce auxquelles l’amélioration du monde et de l’architecture en particulier sera réalisée . L’architecture du Bauhaus utilise des modules préfabriqués, les édifices illustrent un fonctionnalisme rigoureux. Les premières constructions en béton et en verre font leur apparition en 1926.

 

Si l’origine du mot postmodernisme est loin de faire l’unanimité la datation de l’avènement du postmodernisme s’avère encore plus conjecturale .En toute logique ,le postmoderne devrait représenter la période postérieur au moderne .Mais ce simple postula est lui même sujet à caution : Bertrand Westphal de l’université de Limoges explique qu’au début des années quatre vingt, la question de savoir si il y a véritablement scission entre modernisme et postmodernisme a donné lieu à une célèbre polémique entre Jean François Lyotard et jurgen Habermas . Pour Lyotard le postmodernisme prend la place d’un modernisme dont le projet a implosé (à Auschwitz), pour Habermas il ne saurait être question de postmodernisme tant que la modernité, inaugurée par les lumières, n’aura pas accompli son destin historique. Pour Habermas le postmodernisme constitue une dérive dans l’irrationnel  alors que pour Lyotard l’insoutenable légèreté de l’être postmoderne serait alors la réponse à l’insoutenable spectacle de la mort de la modernité.

 

 

Quelle que soit sa date de naissance, la postmodernité est souvent placée sous le signe du négatif. , ou plus précisément  comme critique du positivisme .La comparaison des prémisses épistémologiques de la modernité et de la postmodernité constitue une voie de compréhension de ces deux espaces culturels : la culture moderniste professe l’exclusivité d’une vérité objective, défini par la raison et la primauté de l’autorité, tandis que la culture postmoderne célèbre la multiplicité des vérités subjectives définies par l’expérience et réinterroge  l’autorité.

 

Le relativisme des post modernes a toujours été en germe dans la philosophie européenne.

C’est probablement Nietzsche qui va inaugurer la thèse selon laquelle la vérité n’est rien d’autre qu’une erreur irréfutable et la connaissance ce que les forts imposent aux faibles.

Pour Nietzsche les vérités « éternelles » ne sont que des idées temporaires qui évoluent avec l’histoire.

 

Le postmodernisme se définit avant tout comme une critique de la modernité. Pour Jean François Lyotard le postmodernisme nécessite certaines conditions, il ne s’agit  pas d’un anti modernisme mais d’un constat critique des dévoiements du projet moderne dans le sens d’un dépassement. Cette critique concerne principalement quatre points : une vision ontologique du monde, un sujet pensant doté de raison, une relation référentielle sujet/objet, et  une prétention à l’universalité. Ces différentes remises en cause conduisent le postmodernisme à un refus du projet épistémologique moderne.

 

Critique d’une vision ontologique du monde :

 

Selon les postmodernes, la modernité se fonde sur l’idée d’un monde disposant d’une essence extérieure au sujet .Le monde des modernes  peut être conçu au travers d’éléments isolables, stables, et liés entre eux  par des relations de causalité, le temps est ainsi une suite de séquences, et le changement un épiphénomène. Pour les postmodernes, au contraire, le monde est fondamentalement en devenir, changeant, fragmenté et disparate (Chia, 1995), rendant toute velléité de compréhension en terme d’éléments impossible. Pour les postmodernes le monde se construit dans l’interaction et l’interdépendance. Dans cette perspective, c’est la stabilité qui est l’épiphénomène d’un monde fondamentalement indéterminé.

 

 

 

 

Critique d’un sujet pensant doté de raison :

 

Pour les postmodernes, le modernisme commence lorsque « l’homme s’est inventé lui-même ; lorsqu’il ne s’est plus vu comme le reflet de dieux ou de la nature » (Cooper et Burrell, 1988 :94) Historiquement, cette conception du sujet naît au 18ème siècle avec la philosophie des lumières dans laquelle la raison devient l’attribut fondamental de l’être humain. La raison des modernes est celle de Kant qui prétend libérer le sujet d’une autorité extérieure et lui donne la capacité de penser par lui-même .l’individu  alors exerce son sens critique.

Cette conception d’un sujet humain doué de raison et de sens critique présuppose que celui-ci est doté d’une identité stable et cohérente. C’est principalement ce postulat que rejette les postmodernes ; ils insistent sur l’incohérence et le caractère profondément  conflictuel du sujet .Pour Jean Claude Kaufmann l’individu a un répertoire d’identités plurielles, contextuelles et ces identités changent selon les situations : « le moi n’est personne sans les autres » . Les individus dépendent aujourd’hui de plusieurs groupes d’appartenance à des degrés d’intégration plus ou moins fort et plus ou moins durable, dans l’optique d’une quête identitaire personnelle.

 

 

 

 

  l’appartenance à des groupes, sous cultures diverses, contribue à façonner, marquer, l’ensemble des façons de faire (action) de connaître (cognition) et de parler (le langage).

Uli Windisch de l’université de Genève explique qu’un individu faisant partie d’un groupe social à forte centration cognitive, sociale et idéologique est comme régi déterminé par cette structure centrée, ses réponses, ses attitudes et comportements sont largement prévisibles. Il est sous l’emprise de cette centration. Chez un individu faisant partie d’un groupe décentré ,en revanche ,l’autonomie du discursif par rapport au cognitif est indéniable elle en devient même la caractéristique principale.

 

 

Critique d’une relation référentielle sujet/objet :

 

 

 

Pour les modernes  l’individu peut se représenter les choses car elles sont en dehors de lui-même, qu’elles ont une valeur ontologique .Cette relation entre le sujet et les objets est possible dans le monde moderne car le langage est capable de décrire les réalités externes à lui-même, le langage est transparent dénué de toutes idéologies, la représentation qu’élabore le sujet du monde extérieur devient un miroir de cette réalité (Rorty, 1979)

Le post modernisme interroge   le langage et son rôle dans la construction des réalités.

 

 

 

Pour Wittgenstein » les limites de mon langage sont les limites de mon monde » le sens quant à lui est le résultat de conventions sociales produites par des formes de vie et ne peut être établi en dehors du langage (les investigations philosophiques 1953)

Pour Derrida nous pouvons utiliser le langage pour penser et communiquer, mais nous ne disposons d’aucuns moyens objectifs de savoir quelle relation il y a avec «  la réalité extérieure ». Nos pensées sont prisonnières du langage.

Ferdinand De Saussure explique que le sens linguistique ne vient pas d’une correspondance avec les choses extérieures mais de la relation entre les signes eux-mêmes et de leur position dans le système de signification : le langage ne reflète pas la réalité.

Cette remise en cause de la capacité référentielle du langage est abondamment discutée par Derrida pour qui le langage est animé par »une forme d’auto référence dans laquelle chaque terme contient son opposé et interdit ainsi toute saisie particulière de son sens » ainsi l’utilisation d’un terme sera toujours contaminée par la signification opposée. Ce mouvement continu et autonome rend le langage fondamentalement indécidable.

Pour Lyotard, la quête d’une référentialité parfaite entre le langage et la réalité ne fait que créer une illusion de réconciliation entre le concept et le sensible ,entre la chose et la pensée sur la chose .l’illusion d’une expérience transparente et communicable. Ce fantasme d’étreinte de la réalité est non seulement irréalisable, mais aussi l’expression d’une quête d’universalité propre à la modernité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Critique de l’universalité :

 

Pour les postmodernes les grands récits de la modernité : la liberté, les droits de l’homme, la raison universelle, voient éclater leurs fondements. En effet  la remise en cause d’une vision ontologique du monde, de l’idée d’un individu pensant doté de raison et du caractère référentiel du langage, détruit les bases même du projet de connaissance moderne.

Le projet de connaissance moderne peut se comprendre comme cette volonté d’étreindre la réalité pour atteindre à l’universalité .C’est l’exercice de la raison du sujet qui permet dans le projet moderne, de réaliser cet objectif. Fondamentalement, nous l’avons vu, l’exercice de cette raison doit permettre à l’humanité de s’émanciper d’une légitimité métaphysique (le passé,la religion,la tradition,…) et de trouver les fondements de sa légitimité dans l’être humain et donc dans un projet universellement partageable .La légitimité du projet moderne  se fonde ainsi « dans un futur  à faire advenir ,c'est-à-dire dans une idée à réaliser »(Lyotard 1988 :72) Ce futur à faire advenir s’est exprimé historiquement par l’idée de liberté dans les droits de l’homme, le communisme,le libéralisme et dans l’idée de progrès de l’humanité attachée à la science .L’universalité attaché au projet de connaissance moderne conduit à des totalitarismes et des dominations par la terreur ce que Derrida et Foucauld développeront dans leurs écrits.

 

 

La modernité est fondamentalement attachée à l’ordre : rationalité, et rationalisation, ou il s’agit de créer de l’ordre à partir du chaos .L’idée princeps est que la création de davantage de rationalité est susceptible de créer davantage d’ordre, et que plus une société est ordonnée, mieux elle fonctionnera .JF Lyotard a identifié que la stabilité et la totalité sont maintenue dans les sociétés modernes au moyen des grands récits. Autrement dit ces histoires qu’une culture donnée se raconte à elle même au sujet de ses propres pratiques et de ses propres croyances.

 

 

 

 

Le postmodernisme et ses méthodes :

 

Les travaux des postmodernes utilisent des méthodologies qui portent un regard critique  sur des travaux porteurs de l’idéologie moderne. «  Ils souhaitent ouvrir les indéterminations que la science sociale moderne, les conceptions quotidiennes, les routines, les pratiques ont fermées » (Avelsson et Deetz, 1996 :210) dans cet perspective les postmodernes proposent notamment 3 méthodes : la méthode de déconstruction de Derrida, la lecture résistante, et l’expérimentation de nouveaux styles.

 

 

 

 

Par la déconstruction Derrida se propose d’essayer de mettre en évidence que les discours se construisent toujours autour de dualisme et qu’ils privilégie la plupart du temps le terme porteur d’idée de stabilité, d’ordre de cohérence  mais qu’en même temps par la logique de différance, le sens échappe fondamentalement à l’auteur de ces discours (Cooper, 1989) par différance Derrida entend à la fois ce qui est différent, donc l’altérité, et ce qui est différé, donc qui doit advenir.

L’objectif de la déconstruction n’est pas seulement de valoriser le terme du dualisme qui à été marginalisé, ni de chercher à réconcilier les pôles antagonistes, il s’agit d’éradiquer toute conceptualisation construite sur la base d’opposition (Knights, 1997)

 

La lecture résistante au sens de Foucault «  la vie est capacité de résister à la force » consiste après la mise en évidence des oppositions des discours, à faire apparaître l’idéologie portée par ce même discours et la manière dont il constitue un instrument de domination. Il s’agit donc de déconstruire le discours mais aussi de le réinterpréter de façon distanciée, pour dénoncer les relations de pouvoir du système plus large dans lequel ce discours s’inscrit.

 

La mise en évidence par les postmodernes, du caractère disparate, fragmenté, hétérogène du monde et du sujet, les conduisent à proposer  des expérimentations de nouveaux styles, et en particulier l’expression des voix multiples. Ainsi empruntant à l’anthropologie comparative décrite par Bruno Latour, les postmodernes suggèrent des élaborations narratives qui ne soient plus l’expression unique du sujet mais de plusieurs voix, dont celle des acteurs sociaux .Cette polyphonie doit permettre de rompre avec les effets de fermeture et de  domination  sous jacents aux discours modernes

 

 

La psychothérapie moderne

 

 

 

Les idées fondamentales, de la modernité, sont très clairement résumées  par Jane Flax  psychothérapeute et professeur de sciences politiques

 

1-il y a un Soi stable, cohérent, connaissable .Ce Soi est conscient, rationnel, autonome et universel .ceci permet les études de cohorte et l’usage démonstratif des statistiques à grande échelle.

 

2-ce Soi se connaît lui même et connaît le monde à travers la raison ou la rationalité, situé comme au faite du fonctionnement mental et en étant la seule forme objective

 

3- le mode de connaissance  produit  par un soi rationnel et objectif est la science qui peut  fournir des vérités  universelles sur le monde, indépendamment du statut individualisé du  sujet connaissant.

 

4-Le savoir produit par la science est la vérité et est éternel

 

5-le savoir /vérité produit par la science. (Par le soi connaissant objectif et rationnel) conduira toujours vers le progrès et la perfection. Il n’y a pas d’involution scientifique.

 

6- la raison est le juge ultime du vrai, donc de ce qui est juste, et de ce qui est bon (soit ce qui est légal, et éthique) la liberté consiste à obéir aux lois qui se confondent aux savoirs découverts par la raison.

 

7-Dans un monde gouverné par la raison, la vérité sera toujours la même comme le bien et le juste (et le beau) il ne peut y avoir de conflit entre ce qui est vrai et ce qui est juste.

 

8-La science reste donc le paradigme de toutes les formes socialement utile de savoir .La science est neutre et objective ; les scientifiques, ceux qui produisent ce savoir via leurs capacité rationnelles, doivent être libres de suivre les lois de la raison, et de ne pas être motivés par d’autres préoccupations (argent, pouvoir…..)

 

9-Le langage comme le mode d’expression utilisé pour produire et disséminer le savoir, doit aussi être rationnel .Pour être rationnel le langage doit être transparent ; il doit fonctionner seulement pour représenter le monde réel perceptible, simple medium de l’esprit rationnel.

 

 

Ces quelques prémices fondatrices du modernisme issu de la pensée des lumières ont  servies à justifier et expliquer la totalité de nos structures sociales et de nos institutions, incluant la démocratie, la loi, la science, l’éthique et l’esthétique et bien sur la psychothérapie.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le psychothérapeute moderne utilisera une méthodologie positiviste qui peut être décrite en plusieurs étapes : La première de ces étapes est celle de l’identification du problème.

Viendra ensuite l’étape de la focalisation de l’attention du thérapeute et de son patient sur le problème .ainsi le thérapeute va contribuer à de nombreux récits des problèmes, de leur ampleur et de leur influence. La recherche des causes présidera à l’étape suivante. Comme les raisons du problème présent sont dans le passé en vertu du principe déterministe qui postule que les causes sont antérieures aux effets, l’anamnèse servira à confirmer la prémisse car il y a toujours quelque chose dans le passé pour faire fonction de cause des problèmes du présent. Le patient pourra alors devenir une victime de son passé ce qui permet en particulier la reconnaissance des souffrances et la légitimation d’une demande d’aide. L’étape suivante sera celle de la décontextualisation, le problème pourra alors devenir une réalité en soi, ontologique. La réduction du problème permettra alors de poser un diagnostique et de confirmer le thérapeute à la place de celui qui sait et le patient à la place de celui qui si il a raison gardée devra obéir  aux prescriptions.

 

 

La psychothérapie postmoderne

Pour Jean François Lyotard, le postmodernisme nécessite certaines conditions il ne s’agit pas d’un anti modernisme mais d’un constat critique des dévoiements du projet moderne dans le sens d’un dépassement.

La psychothérapie  postmoderne est aussi post- cybernétique en ce quelle s’appuie sur le constructivisme d’un point de vue épistémologique et sur la deuxième cybernétique d’un point de vue systémique mais elle s’inscrit dans un au delà  de ces deux positions théoriques elle se réfère en effet au constructionisme social et au paradigme narratif.

 

La psychothérapie postmoderne postule le passage à la primauté du langage .Le langage que nous utilisons ne reflète pas la réalité mais définit ce que nous savons .Le langage produit les objets dont il parle. Les systèmes humains sont alors considérés comme des systèmes linguistiques et la thérapie comme un évènement linguistique : »nous considérons que la thérapie est un évènement linguistique qui à lieu dans ce que nous appelons des conversations thérapeutiques »Anderson et Goolishian (1988). L’individu n’est pas un « imbécile culturel », mais un véritable acteur, agissant, interagissant, construisant et reconstruisant quotidiennement son univers social et culturel dans et par ses interactions avec d’autres individus.

 

Le psychothérapeute postmoderne considère que la réalité n’existe pas, ni de premier, ni de deuxième ordre, il s’agit d’une image crée par le langage que nous utilisons .Il y a en fait de multiples réalités, dont aucune n’est plus ou moins réelle que les autres .de ce fait, et faute de réalité unique, toutes situations se prêtent à de multiples interprétations et par conséquent à de multiples représentations.

Les individus ne sont pas des personnes distinctes, identifiables et autonomes douées d’attributs  particuliers .Ils sont pris dans un entrelacement de relations qui leurs confèrent des identités multiples et fluides en plus de restreindre ou de faciliter leurs actions. Ainsi l’identité résulte de l’action en même tant quelle influence l’action. Le soi est alors l’effet émergent de multiples relations. Keneth Gergen propose de remplacer le « je pense donc je suis  »  par «  nous communiquons donc je suis »

 

 

Pour le psychothérapeute postmoderne nulle grande théorie ne peut expliquer le monde à elle seule : même le postmodernisme lui-même.  Il faut plutôt étudier différentes situations et les comprendre à l’échelle locale, en prêtant une attention particulière à la diversité et aux voix périphériques.

Notre compréhension des situations et des problèmes courants est un produit de catégories tenues pour acquises, qui reposent sur des liens entre différentes situations et expériences  soit une construction piagétienne des savoirs sur le monde (.Piaget ,1983 ; cité par Lemoigne, 1995, p.71) »l’intelligence ne débute ainsi ni par la connaissance du moi, ni par celle des choses comme telles, mais par celle de leurs interactions ;c’est en s’orientant simultanément vers les deux pôles de cette interaction qu’elle organise le monde en s’organisant elle-même. »

Piaget mettait ainsi en avant l’importance de l’interaction du sujet connaissant et de l’objet observé dans la construction de la connaissance.

La tension suscitée par la différence nous oblige a reconnaître l’inéluctable interdépendance entre les pôles opposés en apparence, à remettre en question les cloisons entre catégories présumées distinctes et à admettre l’importance des tensions et des paradoxes permanents.

 

Pour le psychothérapeute postmoderne rien n’est naturellement privilégié ; tous les privilèges sont les produits du pouvoir ou de la connaissance. La réflexivité évoque l’importance de réfléchir aux hypothèses posées pour produire ce que nous considérons comme la connaissance ; autrement dit, lorsqu’une personne raconte une histoire, elle choisit certains éléments  au détriment d’autres et elle organise et structure sa réalité à partir de ces choix .Il existe de ce fait de nombreuses façon d’interpréter une expérience mais aucune interprétation ne peut être considérée comme vraie. Par contre ce qui est la vérité du narrateur c’est sa présentation particulière d’une expérience particulière, dans une culture particulière.

 

Pour le thérapeute postmoderne la question de la conduite de la thérapie rencontre la question du pouvoir .il n’est pas question pour lui de diriger la thérapie vers les buts qu’il s’est fixé même si ces buts sont de natures à obtenir l’approbation  générale : aider son client à              s’exprimer, à faire le deuil, a ne plus souffrir….  Il redéfinit la thérapie comme une conversation dialogique, un processus de recherche en commun ou de co-investigation, dans lequel le thérapeute et le client co-explorent et co-élaborent le nouveau, créant ainsi ensemble du sens et des possibilités, une transformation mutuelle du client et du thérapeute le tout dans un inévitable climat d’incertitude car la position relationnelle du thérapeute postmoderne est  une position de non savoir.

Le thérapeute postmoderne valorise ainsi l’expertise du client, l’inclusion de toutes les voix, et la richesse de la différence. Il encourage des relations et des systèmes moins hiérarchisés et davantage orientés vers la collaboration. Il pense que seul un petit changement est utile, il favorisera les soi multiples et même contradictoires car la création dans la relation d’une nouvelle identité mène à une nouvelle auto organisation de soi.

 

 

Pour le psychothérapeute postmoderne la maladie peut constituer la perte de la multi vocalité : lorsqu’il n’y a qu’une version possible des choses et que cette version entrave la vie et génère de la souffrance .les histoires que les gens se racontent à propos de leur vécu constituent le sens qu’il donnent à leur vie et cela détermine ce qu’ils éprouvent .ce sont les récits qui construisent leur réel.

Jérôme Bruner dans son livre : pourquoi nous racontons nous des histoires (2002 traduction française) explique que «  le Moi est le résultat de nos récits et non une sorte d’essence que nous devrions découvrir en explorant les profondeurs de la subjectivité. »..... »Grâce aux récits, nous construisons, nous reconstruisons et même d’une certaine manière, nous réinventons  le présent et l’avenir. »

Si l’on veut bien admettre l’idée que la langue ne renvoie qu’à elle même, c’est à dire à sa propre vision du monde plutôt qu’à une réalité extérieure, alors en l’absence de référant absolu, un texte se prête à des interprétations multiples, voire  contradictoires.

C’est à Jacques Derrida que le psychothérapeute postmoderne emprunte l’idée d’une déconstruction possible des narrations pour faire émerger les présupposés implicites normalement hors d’atteinte et les incohérences inhérentes à l’énoncé favorisant ainsi l’émergence de faisceaux de sens multiples, indéterminés, nouveaux, inachevés, à partir des différentes manières d’assembler les éléments qui composent le récit.

 Si il est possible de déconstruire les récits, il devient alors possible de les reconstruire à partir de petits changements d’optique sur la signification que les gens attribuent à leur vécu,sur leur situation dans les structures sociales et sur les usages langagiers et culturel du Moi et de la relation en cours.

 


C’est à Hans Georg Gadamer  philosophe allemand ,que le thérapeute postmoderne doit beaucoup à propos de ses choix et réflexions éthiques .Gadamer fondateur de l’herméneutique contemporain montre que  notre société et sa culture reposent sur une préconception systématique non élucidée ,celle de la domination sur toutes choses de la parole des experts et en conséquence celle de la séparation et de l’abandon à eux même des citoyens et leurs incapacité à décider quoi que se soit sans céder aux intérêts séparateurs de la science et de la technique. Le psychothérapeute postmoderne ne souhaite pas soumettre son client à son savoir. Il adopte au contraire pour Harlène  Anderson une position de non savoir ;son but est de créer avec son client un style conversationnel et relationnel qui permette aux participants d’avoir accès à leurs créativité et de développer des possibilités là ou il ne semblait pas en exister auparavant .Le dogmatisme surgit de l’ignorance de la complexité .  

 

 

Quant un client vient en thérapie, il raconte comment il se voit lui même ; cette histoire est problématique quant elle restreint les possibilités du patient en le maintenant dans son rôle  ou dans une attente rigide et limitative .Au cours de la thérapie, il sera libéré de son histoire saturée par le problème, et avec le thérapeute, il va construire une histoire alternative offrant plus d’espace à la flexibilité et à la croissance.

Pour déconstruire les récits vécus par les patients, Michael White propose les conversations externalisantes .Ces conversations externalisantes « exotisent le domestique » car elles encouragent les gens à identifier les récits qui les guident et leurs parlent de leur identité. On induit  les conversations externalisantes en encourageant les patients à faire la liste des effets du problème sur leur vie et un accent particulier est mis sur la manière dont le problème a affecté leur vision d’eux même et de leurs relations avec autrui.

 

 

Que l’on considère le postmodernisme comme une étape de la modernité voire pour Habermas ou Linares comme une étape vers l’ultra modernité il n’en demeure pas moins une ponctuation essentielle dans la pensée contemporaine.

Dans le champ de la psychothérapie le postmodernisme aura si profondément réinterrogé les « vérités éternelles »  qu’il ne sera plus possible d’envisager la pratique de la psychothérapie comme avant.

Il ne sera plus possible par exemple de croire à l’objectivisme et à la neutralité du psychothérapeute,

Le dogmatisme et les querelles d’écoles qui prétendent avoir des mesures objectives pour prouver la supériorité de leur méthode sur la méthode des autres ne pourront plus exister,

La recherche de la pureté, le réductionnisme simplificateur sera toujours écarté au profit de la multiplicité et de la diversité.

La relation thérapeutique ne sera plus faite d’un expert et d’un naïf mais de partenaires d’un processus dialogique, c’est à dire un processus qui est de nature à produire du changement chez le client comme chez le thérapeute.

 

 

 

 

 

Il semble bien in fine que la proposition postmoderne vise à ouvrir les indéterminations pour libérer le sujet d’un système de domination intrinsèque aux discours modernes, il s’agit de mettre en soupçon le discours moderne pour lui résister .Cette proposition pourrait bien être perçue comme ayant un caractère négativiste. Etre contre le modernisme n’est pas être pour quelque chose, le postmodernisme ne serait-il porteur d’aucun idéal ? Se poser la question en ces termes présuppose que la valeur d’une action ou d’un mode de vie dépend de quelque chose qui justifie, légalise, autorise ,quelque chose de vraie .c’est précisément l’idée de vérités ontologiques ,de lois universelles que le postmodernisme remet en question mais il n’en est pas moins sans valeurs car il préfère la diversité, la multiplicité et le métissage ,l’égalité, la pluralité et la contextualisation .il pense que c’est par les relations que nous acquérons un sens du vrai et du bien, un sens des valeurs, de la justice et de la joie. Ou pour utiliser la métaphore du jeu, si nous nous excitons lorsque nous gagnons ou perdons, ce n’est pas parce que le jeu est basé sur une vérité ou une moralité absolue. Lorsque nous sommes prie par le jeu, il est le vrai et le bien, sur le moment. Dans ce sens pour paraphraser K.Gergen l’invitation au postmodernisme n’est pas d’abandonner et de ne rien faire, mais plutôt de s’ouvrir aux énormes possibilités qu’offrent les relations humaines.

 

 

  l'éthique et les thérapies postmodernes

 

 

L’éthique chez Spinoza est «  un système qui doit permettre à l’homme de mener une vie bonne » (1677). Baruch Spinoza est hollandais d’origine juive (1632-1677).Sa liberté d’esprit lui valut d’être exclu de sa communauté. Ainsi pour gagner sa vie il devient polisseur de verre ce qui endommagea ses poumons et le fera mourir.

Pour Spinoza c’est grâce au principe du conatus que l’homme peut mener une « vie bonne ».Le conatus est pour Spinoza le désir de l’homme à rechercher la joie d’exister, la joie d’être libre Le conatus est cette force affirmative qui mène l’homme vers ces buts.

 

Emmanuel Kant (1724-1804) était un vieux garçon si maniaque que les habitants de Konigsberg  pouvaient régler leurs montres d’après ses promenades quotidiennes .Dans son ouvrage : »la critique de la raison pratique » (1788) Kant engage une philosophie qui s’inscrit dans la vie quotidienne de l’homme il y pose la question : que dois je faire ?Kant répondra à cette question en déclarant que c’est en se libérant des contraintes du sensible ; c’est à dire de ses perceptions subjectives que l’homme va pouvoir se diriger vers le bien : l’action morale est d’agir par pure conformité à la loi de la raison.

 

 

Ainsi pour Spinoza l’aptitude de l’homme vers le bien est dans sa nature, dans le principe de conatus, alors que pour Kant l’homme doit se méfier de sa nature subjective et sensible et ne se fier qu’à la raison.

Cette dualité nature /culture va continuer son chemin, dans la pensée contemporaine nous la retrouverons dans l’opposition modernité/postmodernité.

 

La modernité, depuis les lumières, est gouvernée par l’idée de l’émancipation de l’humanité .Jean François Lyotard explique que pour les lumières et la révolution française, « le progrès des sciences, des techniques, des arts et des libertés politiques, affranchira l’humanité toute entière de l’ignorance, de la pauvreté, de l’inculture, du despotisme et ne fera pas seulement des hommes heureux, mais notamment grâce à l’école, des citoyens éclairés maîtres de leur destin. »

 

La pensée moderne envisage l’éthique comme un ensemble de valeurs universelles :la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 en est un exemple magistral. C’est la culture et l’éducation qui conduira l’humanité vers les progrès vers le bien. 

 

Dans une optique postmoderne l’éthique n’est ni une loi ni un code ni une règle immuable mais plutôt une dimension toujours en mouvement ,au sens d’Héraclite, toujours renouvelée, toujours inachevée par rapport au bien et au mal.

 

Moise sur le mont Sinaï reçoit les «  dix commandements » qui selon Alain Amar (2003) serait une traduction inopportune de l’expression hébraïque « assérot hadevarim » qui signifie « les dix paroles » .La parole en effet laisse de la place à l’interprétation alors que le commandement, jamais. C’est dans la multitude des sens donnés à la «  parole » que peut se situer l’éthique postmoderne.

 

E.Amado Levy-Valensi, professeur de philosophie cité par Alain Amar, pour définir l’éthique rapporte une légende juive : « un vieux rabbin ayant à définir le judaïsme répondit ceci : aime ton dieu plus que tout le monde et ton prochain comme toi même. Ceci est la loi. Le reste est commentaire .va l’apprendre. »

-aime Dieu plus que tout le monde : implique une échelle de valeurs

-aime ton prochain comme toi même : implique toute une sagesse relationnelle

-va l’apprendre : convie à une longue route qui est celle de son progrès intérieur, de son accommodation et de son assimilation au monde extérieur.

 

L’éthique ainsi définit est une démarche active elle ne consiste pas en l’application de règlement. Les principes moraux constituent un contrat social pour Bergson...la négociation présuppose une éthique interpersonnelle, autrement dit que l’autre assume sa responsabilité, ait confiance, avant d’entamer la discussion. Si le contrat ne découle pas d’une relation de ce type, il pourrait bien rester un discours vide fermé aux possibilités de l’altérité polyphonique...

 

 

Edgar Morin se pose la question suivante : « dans une société individualiste, c’est à dire une société ou il y a beaucoup d’autonomie et de liberté individuelle : comment  peut on fonder une éthique à partir de cette liberté individuelle, alors que les valeurs sont distribuées de façon tout à fait hétérogène, c’est-à-dire qu’une même conception du bien, de la solidarité et du mal n’est pas partagé par tous ?

Faut il pour qu’il y ait éthique, qu’il y ait des valeurs universelles, ontologiques ? La postmodernité en tant qu’elle re-interroge les « vérités éternelles » serait elle alors immorale, dépourvu d’éthique et d’amour de la vérité ?

 

Michel Maffesoli professeur à la Sorbonne au centre d’étude sur l’actuel et le quotidien est un observateur avisé de notre contemporain. Pour lui la postmodernité se caractérise par le retour exacerbé de l’archaïsme : »au progrès linéaire et assuré, cause et effet d’un évident bien être social, est en train de succéder  une sorte de « régrés » caractérisant «  le temps des tribus »…toutes choses fort éloignées des valeurs universalistes ou rationalistes propre aux tenants des pouvoirs actuels.

Néanmoins notre monde «  neo-tribaliste postmoderne » n’est pas dépourvu de valeurs ;pour Maffesoli l’une d’entre elle est l’idéal communautaire. Pour lui «  la tendance est là qui nous pousse vers l’autre, qui invite à l’imiter, devenir mode du monde : je suis pensé là ou je crois penser, je suis agi là ou je crois agir. »

 

La foi dans la communauté peut constituer une source d’énergie pour l’éthique : c’est alors une éthique de la fraternité qui peut naître. Cette éthique  présuppose l’idée que les hommes se sentent avoir la même source maternelle, la même identité : la Shoah appartient à tous les hommes dira J.F Lyotard

Quelle soit individuelle ou fraternelle, l’éthique devra se confronter à des problèmes de trois ordres : le problème des contradictions éthiques, soit l’affrontement d’impératifs antagonistes, le problème des incertitudes éthiques et enfin le problème éthique du MOI.

 

 

La contradiction éthique c’est une sorte de «  double bind » une situation d’indécidabilité :

 

Un client s’adresse à un psychothérapeute de couple car il dit se sentir à bout de force, il ne comprend plus sa femme, il ne sait plus si elle l’aime encore, il est prêt à mourir si elle part. Hier alors qu’il avait pris de la cocaïne pour se remonter le moral il a battu  sa femme avec une violence inouïe, elle a du être hospitalisée. La femme de cet homme violent téléphone le lendemain au thérapeute pour demander un rendez vous de couple : elle veut sauver son couple, elle n’en peut plus d’avoir peur, la violence conjugale dure depuis dix ans, elle aime son mari, elle ne veut pas le perdre.

 Il n’y a pas de réponse simple, répondant à une causalité linéaire qui ne soit possible dans une telle situation. Nous sommes face à une situation de contradiction éthique :dire à cette femme de quitter cet homme violent qui risque un jour de la tuer à déjà été fait par tous les intervenants de santé les dix années écoulées sans changement ;de surcroît c’est une position morale qui ne permet pas d’entendre la souffrance de cette femme  .Dire à cet homme qu’il ne doit pas battre sa femme n’a pas eut plus d’efficacité sur sa propre violence ni sur sa propre  souffrance .Il serait sûrement souhaitable d’intégrer à la complexité de la situation les contradictions sans vouloir les réduire à un compromis ni exclure une position au profit de l’autre :c’est à dire traiter cette situation comme une indécidable au sens de Derrida, soit une forme qui interdit la solution de l’antinomie par la synthèse dialectique.

 

 

 

 

Le deuxième problème auquel l’éthique postmoderne doit se confronter est celui des incertitudes éthiques .En effet si il n’y a plus de vérités absolues, qu’il n’y a plus de certitude absolues, il reste à gérer beaucoup de doute, il devient nécessaire de gérer des situations

L’homme moderne qui est pourvu d’un Soi stable et cohérent, qui connaît le monde  et lui-même grâce à la raison et la rationalité et qui constitue ainsi des vérités universelles qui conduiront vers le progrès et la perfection, est embarrassé différemment par les problèmes éthiques .Pour l’homme moderne c’est la bonne connaissance ,la bonne information qui lui permettra de décider de ce qu’il convient de faire .Le problème étant alors pour lui non pas de gérer de l’incertitude et  la multiplicité des options possibles mais bien de légitimer son action par la bonne connaissance ,la bonne information : Des armes de destructions massives en possession d’un pays adversaires pour justifier une guerre.

 

Le développement de la puissance technoscientifique qui à contribuer à donner l’espoir d’un monde meilleur grâce au progrès infini de la science,a petit à petit été remplacé par le développement d’inquiétudes, d’angoisses ,en lien avec les menaces environnementales ,le potentiel de guerre nucléaire, les manipulations génétiques. Le poids de ces angoisses a contribué à l’essor du souci éthique.

Le métissage qui caractérise les métropoles contemporaines a généré une grande hétérogénéité morale et provoqué une importante montée du relativisme des valeurs.

Cette nouvelle situation est de nature à nous obliger à recourir à la discussion éthique afin de trouver un terrain d’entente minimal.

Malherbe considérait que « l’apprentissage de l’éthique, c’est l’apprentissage de l’art de dialoguer avec justesse »

Ainsi l’éthique cherche à ouvrir le débat publique  sur la problématique du vivre ensemble.

 Boisvert, déclare que l’éthique cherche à comprendre quel sens est donné par les membres d’une communauté à la cohabitation sociale.

Cette question du vivre ensemble n’est pas résolu de la même manière si l’on est moderne ou postmoderne : pour le moderne il faudra mettre en place des lois universelles, édictées par la raison. Pour le postmoderne avec Levinas l’éthique du vivre ensemble amènera à se « défendre contre le désir de l’identification de soi à soi. et en finir avec la tentation de réduire l’altérité au même ,a une sorte de duplication de soi .Etre à l’écoute de la présence  de l’autre pour nouer avec l’autre des liens nouveaux ,établissant une réciprocité fondée exclusivement sur ma responsabilité totale envers autrui. »

La question du rapport à l’autre est donc abordée différemment en moderne et en postmoderne.

 

 

 

Pour le moderne le rapport à l’autre est un rapport qui se doit d’être égalitaire : « les hommes naissent libres et égaux en droit » ils sont tous également soumis à la loi. Pour le postmoderne le rapport à l’autre se veut plus fraternel ainsi le respect des principes d’identité et de singularité sont les plus mis en avant ce qui à comme inconvénient de créer une tension permanente entre se qui visent à la fois à l’accomplissement de la personne et de la communauté.

C’est pour tendre à une possible gestion de cette tension entre la liberté individuelle et les devoirs découlant du vivre ensemble que l’éthique pousse à une forme d’autorégulation .cette auto régulation n’est pas à proprement parler mue par l’altruisme, cet «  art de se gouverner soi même » comme Foucault définissait l’éthique  est organisé à partir du soucis de soi.

 

L’éthique postmoderne semble bien jouer un rôle en faveur de la socialisation et de la cohésion sociale  mais non pas comme une soumission à la loi à la façon des modernes  mais comme une «  relation sans contrainte » désirée plutôt qu’imposée. Une volonté de sortir du climat nihiliste hérité de l’idéologie moderniste. (Plus de traditions, plus de religions, seule la science et la raison) Michel Maffesoli définit l’éthique postmoderne comme « ce qui permet qu’à partir de quelque chose qui est extérieur à moi, puisse s’opérer une reconnaissance de moi-même .Ce quelque chose peut être un autre moi-même : autrui, un autre en tant qu’autre : objet, un autre en tant que tout autre : altérité ou déité. » ainsi l’éthique postmoderne permet de sortir de la spirale individualiste et nihiliste découlant du projet idéologique de la modernité tout en maintenant comme le définit Tocqueville cité par Boisvert « une forme de religio afin d’éviter la dérive vers le chaos et la tyrannie. »

 

Dans le champ de la psychothérapie ces considérations ne sont pas sans conséquences techniques :

La psychothérapie postmoderne se fonde sur une position éthique :

Une éthique du respect de l’individu envisagé comme émergence relationnelle donc multiple et changeant en fonction des contextes.

Une éthique du renoncement aux vérités éternelles donc émergence d’une multitude de vérités contextuelles.

Une éthique de la relation favorisant la collaboration aux relations hiérarchisées, favorisant la relation désirée plutôt qu’imposée.

Une éthique du projet psychothérapeutique comme projet de désaliénation narrative une éthique telle que définit par Michel Foucault comme l’art de se gouverner soi-même qui constitue aussi le projet psychothérapeutique.

Plutôt que de vouloir mettre du conscient là ou il y a de l’inconscient soit de la vérité là ou il y à de l’ignorance le postmoderne ne croit pas à la vérité mais il aspire a la liberté de choix d’existence il pense avec Spinoza que la relation psychothérapeutique doit construire « un système qui doit permettre à l’homme de mener une vie bonne »

 

      Rodolphe Soulignac 

 

 

 

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